Des soldats garantis sans états d'âme

JusteUneOmbre a écrit:

Citation :: Des soldats garantis sans états d'âme

La science est sur le point de créer un monde sans peur ni remords. Des pilules de l'oubli pourraient soulager les victimes traumatisées, mais aussi les bourreaux et les militaires.

Face au soldat se dresse un triste entassement d'immeubles, de l'autre côté d'une route crevassée. C'est là que se cache l'ennemi, au milieu des civils. Ce soir, pas de frappe chirurgicale. L'artillerie, que le soldat peut déclencher d'une pression sur l'une des touches de son ordinateur portable, déchaînera ses flammes dans un concert de hurlements et de déflagrations assourdissantes. Tout autour, le sol sera jonché des cadavres désarticulés de femmes et d'enfants, et il faudra bien qu'il marche au milieu d'eux. Toutes les valeurs qu'on lui a enseignées étant enfant le poussent à se replier. Ou alors, se dit-il, il pourrait faire ce qu'il a à faire, puis retourner en vitesse au camp pour y avaler sa dose de pilules. Des pilules qui, au bout de deux semaines, pourraient l'immuniser pour le restant de ses jours contre le poids écrasant du remords. Les troupes déployées au Moyen-Orient en prévision d'une guerre contre l'Irak n'auront pas de pilules de ce genre à leur disposition, mais l'idée d'une absolution sur ordonnance fait quand même son chemin. Les sentiments de culpabilité et de regret empruntent des chemins neuronaux comparables à celui de la peur. La prophylaxie qui permet de résister à l'un pourrait donc protéger des autres. Plusieurs travaux de recherche prometteurs vont dans ce sens, certains bénéficiant de financements au niveau fédéral.
A l'université de Californie d'Irvine, des expériences sur les rats montrent que les réactions hormonales du cerveau à la peur peuvent être inhibées, atténuant la formation de souvenirs et les émotions qu'ils font naître. A l'université de New York, des chercheurs ont trouvé le moyen de court-circuiter le réseau même de la peur primale. A l'université Columbia, le laboratoire d'un lauréat du prix Nobel a découvert le gène d'une protéine qui inhibe la peur, sorte de clé moléculaire du réflexe de lutte ou de fuite. A Porto Rico, à la faculté de médecine Ponce, les scientifiques découvrent comment permettre au cerveau de désapprendre la peur et les inhibitions en le stimulant avec des aimants. Et, à Harvard, les rescapés d'accidents de voiture prennent déjà des comprimés de propranolol. C'est la première fois que ce traitement courant des affections cardiaques [bêtabloquant] est testé sur des humains pour éliminer à la racine les effets d'un traumatisme.
La toile de vos pires cauchemars, de vos hantises, de vos paniques et de vos hontes a pour centre un noeud intense de neurones, l'amygdale. [Situé entre l'hémisphère droit et l'hémisphère gauche du cerveau, l'amygdale est le centre de contrôle des émotions.] A chaque nouvelle expérience terrifiante ou humiliante, ou simplement chaque fois que le sujet en revit une, ce centre de la peur dégage des hormones qui répandent des impressions horribles dans le cerveau. Et ce qui est insupportable devient rapidement inoubliable. A moins, semble- t-il, d'intervenir assez rapidement pour empêcher les souvenirs traumatiques de s'installer.
Mais, pour plusieurs observateurs, au nom du respect de la nature humaine, il ne faut pas effacer de l'esprit des gens certaines expériences. Ces sources condamnent le principe d'un traitement médical de la conscience. "C'est la pilule du lendemain pour à peu près tout ce qui peut engendrer le regret, le remords, la douleur, la culpabilité", constate le Dr Leon Kass, qui dirige le Conseil présidentiel sur la bioéthique. Il s'exprime toutefois en son nom propre, et non pas au nom du conseil. Barry Romo, coordinateur national des Anciens Combattants du Vietnam contre la guerre, ne prend pas de gants. "C'est la pilule du diable, lâche-t-il. C'est un monstre, une pilule antimoralité. C'est la pilule qui peut faire faire à un homme ou à une femme n'importe quoi, tout en leur laissant croire qu'ils peuvent s'en tirer sans dommage. Même si ça ne marche pas, ce qui est terrible, c'est qu'un jeune soldat pourrait croire que c'est efficace."
Mais si les scientifiques lèvent ainsi progressivement le voile sur les ombres de la mémoire et de la peur, ce n'est pas pour créer des brutes à la moralité totalement anesthésiée. Ce qu'ils veulent, c'est lutter contre les troubles post-traumatiques afin que les femmes victimes de viol puissent sortir de chez elles sans se sentir en danger. Afin que les rescapés d'attentats terroristes soient à même de vivre, de fonder une famille et d'avancer. Et, c'est vrai, afin que de jeunes soldats ne passent pas le reste de leur vie brisés par ce qu'ils ont vu ou par ce qu'ils ont fait.

Quoi qu'il en soit, le Dr Gregory Quirk, de la faculté de médecine Ponce de Porto Rico, s'inquiète de l'usage que l'on pourrait faire de ses travaux si l'on passait de l'étude des rats à des thérapies humaines. Selon lui, l'amygdale n'est pas la seule source de la peur, laquelle se désapprend également au niveau du cortex préfrontal, qui, chez les patients atteints de troubles post-traumatiques, manifeste un faible degré d'activité. Gregory Quirk estime qu'un médecin pourrait stimuler ces zones à l'aide d'aimants alors que les patients seraient soumis à des images qu'ils craignent, ce qui permettrait de rééquilibrer le psychisme. Avec cette méthode, dit-il, les pompiers pourraient se débarrasser de crises de panique mortelle. "Evidemment, si cela était utilisé pour supprimer le sentiment de peur, qui joue un rôle important dans la notion de survie ou de moralité, cela me gênerait profondément."
Dans quelle mesure ne sert-il pas à endiguer nos pires impulsions ? "Chacune des expériences que nous vivons modifie notre cerveau et, dans un certain sens, ce que nous sommes", conclut le Dr Joseph E. LeDoux, de l'université de New York, spécialiste de la mémoire émotionnelle. "Plus l'expérience sera forte, plus grande sera l'altération. A nous de décider, en tant que société, jusqu'où nous voulons aller dans la modification du moi. La science, c'est certain, va nous donner de nouveaux moyens, extrêmement puissants, d'y parvenir. Et les individus pourraient souhaiter davantage de changement que ce que la société pourra tolérer."

Erik Baard
The Village Voice

Source : Courrier international

JusteUneOmbre a écrit:: Médicalement cela peut être une très grande avancée, reste à savoir quelle utilité ont trouvera à ce genre de recherches.

Tives a écrit:: Je sais pas s'il s'agit d'une si grande avancée que ça. Toute pilule a ses effets secondaires. Et si ce genre de produit se retrouve dans la rue, au même titre que la cocaïne et les autres drogues, ça risque d'être joli... Je n'aimerais pas me retrouver face à un cambrioleur qui en aurait pris et qui aurait peur de rien, même pas de tuer ou de se faire tuer...

Quand est-ce qu'on va laisser les humains être des êtres humains... avec leur peurs! Car c'est justement grâce à cette peur que l'être humain arrive à prendre de bonnes décisions. Le jour où il n'aura plus peur de rien, ce sera sa fin je crois.

Homme curieux a écrit:: Ce n'est pas une avancé mais un gigantesque recul de l'Humanité. Ce qui fait un individu ce sont ses souvenirs aussi traumatisant soit il.
Combien d'Artistes ou de Scientifiques voirs de Grands Humanistes le sont devenus à causes de leurs blessures physiques ou mentales ?

Rick Springfield a écrit:: Laissons l'homme tel qu'il est avec ses forces et ses faiblesses, ses craintes et ses peurs, ses joies et ses peines, c'est ce qui fait de nous ce que nous sommes.
Il ne faut surtout pas aller a l'encontre de notre nature même et d'essayer de nous modifié par quelque substance que ce soit.
Laissons faire les choses, ainsi on se construit, surtout quand nous affrontons de mauvais moments, les oubliés serait en quelque sorte oublier notre passé donc nous même.

Tives a écrit:: Et souvent, je remarque les gens qui ont été élevés dans de la ouate, à l'abri des malheurs et du stress... Ça fait pas des adultes bien forts ça. Je fais un parallèle là avec cette petite pillule...

Rick Springfield a écrit:: Esperons en tout cas que ça n'aille pas plus loin et que ça en reste la, au stade de l'expérimentation et non a la diffusion ou commercialisation du produit plus tard.

Merin a écrit:: Je suis d'accord, surtout que les choses qui nous entoure au quotidien ne sont déjà pas très bonnes alors si une telle pilule venait à faire le jour se serait une catastrophe pour l'être humain.

L'être humain à suffisament des problèmes psychologiques et autres, ce n'est pas nécessaire d'en rajouter.

Et puis l'être humain apprend à avancer dans la vie avec ces peurs et ces erreurs et les épreuves que peut nous infliger la vie.

C'est incroyable que certaines personnes ne puissent pas comprendre cela, c'est ce qui arrive à ces chercheurs, qui visiblement, encore une fois, seraient plus motivés par l'argent que le propre produit lui-même...

JusteUneOmbre a écrit:: Personnellement je pense que cela peut être une grande avancée pour aider à soigner des gens aux phobies incontrolables par exemple (parfois c'est même naturellement que l'amnésie intervient). Evidemment c'est encore expérimentale et à mon avis ça sera pas utilisé ainsi (tel quel), c'est juste une voix de recherche.

Toute recherche peut être une avancée pour peu qu'elle soit bien utlisée, ou pas utilisée si vraiment on ne peut rien en faire mais au moins on saura qu'elle existe.

Homme curieux a écrit:: Le problème TiteOmbre c'est cela ne soigne pas la phobie, cela la cache. Je ne crois pas que se soit psychologiquement une bonne idée. Toute recherche, surtout quand il s'agit du cerveau, devrait être faite avec infiniment de précaution.

JusteUneOmbre a écrit:: Bah oui ça cache le problème et en cachant le problème cela efface les symptomes, enfin je pense et donc c'est peut être mieux pour les gens que rien du tout. Evidemment c'est expérimental alors faut pas en mettre à toutes les sauces.

Merin a écrit:: J'ais du mal à suivre ton résonnement titeombre.

En tout les cas, je ne pense pas que ce soit une réelle solution à ce genre de problèmes...

Rick Springfield a écrit:: Ce n'est pas en cachant un problème que l'on en enleve le symptôme c'est plus de la poudre aux yeux qu'autre chose ce genre de méthode et en plus c'est dangereux, de plus il ne faut rien cacher mais affronter un problème face a face (si j'ose dire) sachant que l'on ne connait pas assez bien le cerveau humain pour utiliser un produit sans véritablement savoir ou il va amener.
Pour ma part la meilleure des armes dans ce genre de situation c'est d'en parler, se confier, etre ecouter etc...., mais surtout pas des medocs ou autres produits d'avantage dangereux qu'autre chose.
l'homme est perfectible et c'est ce qui en fait son charme, il ne faut surtout pas qu'il devienne une machine sans âme et bourrer de produit qui lui enleve son coté animal et humain.
Restons comme nous sommes que diable.

Tives a écrit:: En effet, c'est pas en cachant le problème qu'il se résoudra.

C'est comme éteindre une sirène d'alarme quand elle sonne trop souvent... Plus de sirène, plus de problème! C'est pas aussi simple que ça.

La meilleure façon de guérir une phobie, c'est d'y faire face. Y a pas d'autre solution.

» Une grenouille sans poumon découverte en Indonésie!
» Découverte d'un système double à 2 planètes sans étoile
» Climat: le pôle Nord sans glace cet été, désormais une possibilité